Patrouille Breitling
650 km/h Chrono
Seule patrouille aérienne civile du monde équipée d’avions à réaction, le Breitling Jet Team va se produire dans plus de 40 meetings cette saison. Avec une nouveauté : un sixième jet pour un show très spectaculaire. Découverte.
Aéroport de Dijon Longvic. 11 h du matin. Au bout de la piste 36, les six « L39C Albatros » bleu et jaune de la patrouille Breitling s’alignent. Vérification des instruments, plein gaz, lâché des freins, accélération, décollage, à peine le temps de dire « ouf » et les paysages de Bourgogne glissent sous les ailes à près de 650 km/h. Cap sur la zone d’entraînement, un vieux terrain d’aviation désaffecté. Aujourd’hui, c’est l’une des dernières répétitions avant le début de saison. Pas question d’approximation. Le programme est dense : les figures, pas moins de 22 au total, doivent s’enchaîner à un rythme soutenu pour tenir les 18 minutes prévues pour la démonstration officielle. Dès la première figure, la couleur est annoncée. Les avions cabrent brutalement, la terre disparaît sous les ailes. Irrésistiblement, le corps est écrasé contre le siège éjectable. 3G, 4G, le souffle devient court, la combinaison anti-G se gonfle à bloc. 5 G, la tête se tasse dans les épaules, la vision commence à s’obscurcir, prélude au « voile noir » : on comprime les abdominaux et les cuisses au maximum, histoire d’éviter que le sang quitte la tête ou c’est la perte de conscience assurée. Barriques, loopings, éclatements… les évolutions sont de plus en plus musclées, l’altimètre s’affole, le ciel et la terre se confondent. A la radio, des ordres brefs fusent : « fumigènes, top ! virage gauche, top !». Sous le casque, ça transpire à grosses gouttes. Il y a de quoi. Avec les violentes accélérations verticales (les G), on a la désagréable sensation d’avoir l’estomac dans les chaussettes. Percussions, rassemblements, changements de formation, le programme se poursuit sans répit. Dans certaines phases, les ailes se frôlent à moins de 3 mètres ; devant, la tuyère de l’avion du leader est tellement proche qu’on en a presque chaud. Dernière prise de vitesse, la terre surgit à une allure vertigineuse, ultime manœuvre : « éclatement final ! top !, top ! et top ! ».
Si, vu d’en bas, une démo des Breitling ressemble à un beau ballet bien réglé, mélange de figures élégantes, de glisse fluide et de puissance maîtrisée, à l’intérieur du cockpit, il en va autrement. Harnaché, brutalisé, soumis à des accélérations de 4 à 5 G en continu, 7 à 8 G dans les passages plus délicats, chaque pilote lutte, hyper-concentré, pour garder à chaque instant sa position dans le groupe. Un show aérien, c’est une chorégraphie en trois dimensions, un ballet mécanique millimétré qui nécessite un entraînement rigoureux tout au long de l’année. Une fraction de seconde d’inattention, un oubli dans les enchaînements et les conséquences peuvent s’avérer dramatiques. Aussi, avant chaque vol, toutes les figures sont répétées et mémorisées au cours d’un briefing préalable au sol. Puis débriefées minutieusement sur vidéo au retour. « Evoluer sur de beaux avions, ça ne suffit pas. Le public se lasse vite. Il faut tenir le rythme et faire des évolutions parfaites », explique Jacques Bothelin, fondateur et leader de la patrouille Breitling. Avec plus de 2800 démonstrations au compteur – un record du monde – Jacques sait parfaitement de quoi il parle : « piloter des jets nécessite beaucoup de doigté et d’expérience, surtout avec un avion comme le L39 qui ne possède pas de commandes de vol assistées par hydraulique. Vitesse, altitude, proximité des avions : outre la qualité de la démonstration, la sécurité est notre principale préoccupation. Il faut à tout prix minimiser les risques. » Et avoir de la chance. Il y a quelques jours, au cours d’un entraînement, Jacques Bothelin à percuté des oiseaux. Résultats : un pare-brise pulvérisé, de sérieux hématomes sur la poitrine, des points de sutures sur le visage. « Il m’a fallu au moins dix secondes pour réaliser ce qui venait de m’arriver, dix autres pour voir que tout allait bien, et plusieurs jours pour récupérer physiquement. Mais bon, plus de peur que de mal… ».